Explication détaillée d'un texte "Qu'est-ce que la philosophie?" de Karl Japers
Karl JASPERS, Introduction à la philosophie, 1965.
Questions pour la compréhension du texte 1) Quel est le thème du texte ? 2) Quelle est la question posée par le texte ? 3) Sur quelle opposition se construit le texte ? 4) Quelle est la thèse du texte ? 5) Comment le texte définit-il le dogmatisme ? 6) Pourquoi le dogmatisme s’oppose-t-il à l’attitude philosophique ? ( la réponse doit être développée, il est conseillé de travailler au brouillon)Correction de l’exercice
Remarques- Certains élèves ont été mis en difficulté dès la lecture du texte qui ne contient pourtant pas de difficulté majeure. Ils ont été tout simplement été déstabilisés par l'usage du mot « dogmatisme », ne se rendant pas compte qu’il était défini dans le texte.
- Certains élèves ont eu des difficultés pour distinguer le thème et la thèse du texte.
- Karl Jaspers définit négativement la philosophie à l'aide de l'opposition philosophos/sophos.
- Il définit positivement la philosophie comme "recherche de la vérité".
- Il insiste sur l'importance du questionnement en philosophie.
RÉDIGER L'INTRODUCTION D'UNE EXPLICATION DE TEXTE.
L'objectif de l'introduction est de présenter les grandes lignes du travail à venir. Sur quel thème porte l'extrait à expliquer ? Quel problème l'auteur se propose-t-il de résoudre ? Quelle thèse sera défendue ? Quelles sont les étapes de l'argumentation ? Sur quelle question ou quel problème ce texte ouvre-t- il une discussion ? Ce travail a déjà été préparé au brouillon. Rédiger l'introduction c'est donc faire une synthèse d'éléments déjà identifiés lors des lectures préparatoires à l'explication du texte. Ainsi la rédaction de l'introduction n'offre aucune difficulté particulière si le travail préparatoire a été fait méthodiquement. La seule difficulté peut consister dans l'annonce de la discussion du texte, puisqu'il vaut mieux trouver un problème qui soit stimulant pour la réflexion et qui permette à l'élève de mettre en valeur ses connaissances philosophiques.Exemples d'introduction :
Mamadou : " Dans ce texte de 1965, extrait de l'ouvrage "introduction à la philosophie", Karl Jaspers s'interroge sur la nature de la philosophie qu'il définit comme "l'amour du savoir" et "la recherche de la vérité". Son point de vue s'appuie sur une double opposition du savant au philosophe, de la philosophie au dogmatisme. Mais on peut cependant se demander si le dogmatisme n'est pas un moment nécessaire de la recherche de la vérité ?" Khadija: " Dans son texte de 1965, "Introduction à la philosophie", Karl Jaspers définit le philosophe comme "l'amoureux du savoir" et l'oppose au savant qui "possède la vérité. Mais quel est donc l'intérêt de rechercher ce que l'on ne devra jamais posséder ?" Ibrahima: " Introduction à la philosophie" est un texte de Karl Jaspers qui tente de nous faire comprendre la nature de la philosophie. Pour l'auteur la philosophie est avant tout une démarche : "philosopher c'est être en route". Elle s'oppose ainsi au dogmatisme. On peut cependant se demander si le savant et le philosophe sont si éloignés l'un de l'autre ? Le philosophe n'a-t-il pas besoin de connaissances pour ensuite les remettre en question?" Aissatou: "Le texte de Karl Jaspers, " Introduction à la philososophie", paru en 1965 a pour thème la philosophie. L'auteur s'interroge sur la définition de la philosophie qui est pour lui, avant tout, "amour du savoir" et "recherche de la vérité". Pour cela il oppose les philosophes aux savants. La question que nous pose plus généralement ce texte est la suivante : face au savoir vaut-il mieux se comporter en savant ou en philosophe ? Lamine: "ce texte, "introduction à la philosophie" de karl Jaspers a pour thème la philosophie. En effet l'auteur s'interroge sur ce qu'est la philosophie. La philosophie est l'amour du savoir et la recherche de la vérité. Pour cela Karl Jasper oppose la philosophie et le dogmatisme. Mais l'opposition entre le philosophe et le savant est-elle aussi radicale ?" Amina: " Dans ce texte écrit en 1965, Karl Jaspers nous présente la démarche philosophique. Pour lui la philosophie est amour du savoir et recherche de la vérité, elle s'oppose au dogmatisme. Ce texte nous interroge plus largement sur la frontière qui sépare savoir et ignorance, fontière qui est loin d'être évidente".Corrigé
- Jaspers « L’essence de la philosophie, c’est la recherche de la vérité »
[Introduction]
Dans ce texte Karl Jaspers s’interroge sur ce qui définit la philosophie (1) (2). Selon lui l’essence de la philosophie c’est la recherche de la vérité (3). Son argumentation se divise en trois parties (4) : Dans la première partie (lignes 1 à 3) Karl Jaspers oppose le philosophe au savant, pour en déduire dans la deuxième partie (lignes 3 à 7) la thèse du texte : « la philosophie c’est la recherche de la vérité ». Cette définition nous permettra alors de comprendre dans une troisième partie (lignes 7 à 10) l’importance du questionnement en philosophie. Si la philosophie est quête et non possession de la vérité il nous faudra alors nous demander si cette vérité n’est pas un idéal inaccessible à atteindre et s’il n’y a pas un risque pour le philosophe de se retrouver condamné au scepticisme ? (5)- Thème
- Question
- Thèse
- Etapes de l’argumentation
- Annonce de la discussion
[Explication détaillée du texte]
Dans cet extrait Karl Jaspers répond à la question « Qu’est-ce que la philosophie ? ». Pour ce faire il pose dès la première phrase, une opposition entre deux termes d’origine grecque, philosophos et sophos. Pourquoi a-t-il besoin de recourir à l’étymologie de ces deux mots ? Ce n’est pas par pédanterie, mais il s’agit pour lui de construire un paradoxe. En effet ces deux termes sont de la même famille et nous aurions tendance à penser (doxa) qu’ils ont plus ou moins le même sens ou qu’il n’existe qu’une différence de degré entre les réalités qu’ils désignent. Or pour Karl Jaspers ces termes désignent deux réalités distinctes, que séparent une différence de nature. La deuxième phrase précise le contenu de cette opposition. Le philosophos c’est « celui qui aime le savoir ». Karl Jaspers se réfère ici à la définition platonicienne du philosophe dans Le Banquet : le philosophe, c’est étymologiquement celui qui « aime (philo-) le savoir (sophia) », plus précisément celui qui désire le savoir parce qu’il ne le « possède » pas. Ce qui le distingue du savant. Cela veut-il dire alors que le philosophe serait un ignorant ? car l’ignorant c’est bien celui ne possède aucun savoir, celui qui ne sait pas. Or si le philosophe ne possède pas le savoir puisqu’il le recherche, il n’est pas pour autant ignorant. Car pour désirer savoir, il faut d’une part qu’il reconnaisse qu’il ne sait pas, et d’autre part qu’il ait eu connaissance de ce qu’il ne possède pas. Car nul ne désire ce qu’il ne connait pas. Par conséquent si le philosophe n’est pas un savant il n’est donc pas pour autant un ignorant. Il est, comme le montre Platon dans Le Banquet, à mi-chemin entre les deux. Le philosophe se définit donc dans un rapport particulier au savoir. De même que Socrate, il sait qu’il ne sait pas. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il se satisfasse de cet état. Cela veut surtout dire qu’il est celui qui accepte de n’avoir aucune certitude, de ne rien considérer, comme évident, comme donné ou comme vrai. Comme l’écrivait Aristote « philosopher, c’est s’étonner » et c’est de cet étonnement premier que peut naître le désir de savoir, que peut naître la philosophie. La philosophie se définit donc comme « la recherche de la vérité et non comme sa possession » [phrase 3]. Si Karl Jaspers éprouve le besoin de nous le rappeler (« ce sens persiste encore aujourd’hui ») c’est qu’aujourd’hui, rien n’est moins évident. Aujourd’hui, la philosophie est pour une très large part, une pratique institutionnelle, qu’il s’agisse de l’enseignement délivré au lycée ou des recherches menées les universités. Cette critique nous rappelle celle de H. D. Thoreau qui écrivait au XIX° siècle, dans Walden « Aujourd’hui il n’y a plus de philosophes, il n’y a que des professeurs de philosophie ». Dans sa forme institutionnelle, la philosophie se présente à nous sous la forme d’un savoir « dogmatique, un savoir mis en formule, définitif, complet figé, transmissible », que l’on se contente de transmettre, d’apprendre ou de posséder. C’est là pour Karl Jasper une véritable trahison, une négation de l’essence même de la philosophie. Il utilise le verbe « dégénérer » pour condamner cette pratique. Si la philosophie se définit comme une « recherche », elle n’est jamais définitive, ni achevée. Elle ne peut prétendre atteindre LA vérité. Aussi elle ne saurait être transmissible comme n’importe quel autre savoir. Il faut se rappeler ici la critique que fait Platon dans le Banquet du modèle traditionnel de l’instruction lorsqu’il compare le professeur à un vase plein, l’élève à un vase vide qu’il s’agirait alors de remplir. Philosopher c’est penser par soi-même, c’est construire le savoir en faisant usage de sa raison. Ce n’est pas se contenter d’apprendre un savoir déjà constitué par d’autres. Karl Jaspers nous inviter donc à revenir au sens originel de l’activité philosophique. Il nous inviter à nous étonner. Il nous invite à nous mettre à penser. Si l’inachèvement caractérise la philosophie. Philosopher c’est être en mouvement, c’est « être en route » [phrase 4]. Par cette métaphore, nous comprenons que pour Karl Jaspers, la philosophie possède une dimension existentielle : elle ne se limite pas à n’être qu’une pure spéculation théorique, elle est aussi une pratique qui engage le philosophe dans son tout être. De la même façon que tout voyage possède une dimension initiatique qui transforme le voyageur au plus profond de lui-même, le travail de la pensée transforme le regard que nous portons sur nous-même, ce qui affecte notre manière d’être au monde. Philosopher c’est avant tout vivre en philosophe. On retrouve à nouveau le sens originel grec de la philosophie. Nous pouvons alors mesurer l’importance du questionnement dans le travail de la pensée [phrase 5]. Philosopher c’est accepter de ne pas savoir. Le philosophe sera donc d’abord dans le questionnement de ce qu’il pense savoir (Ce qu’il philosophe met en question c’est d’abord le contenu de ses propres pensées). Il refuse ce qui lui est donné : les opinions, les certitudes, les évidences, les préjugés. Philosopher c’est d’abord questionner, c’est d’abord se questionner.[Conclusion]
La philosophie se définit ainsi non pas par sa capacité de répondre, de produire des connaissances achevées et définitives, mais par un certain un rapport au savoir qui consiste dans une mise en question permanente de tout savoir.